5 min. pour comprendreLa réforme des CCAG
- Adapter son attitude achat – les pénalités de retard ;
- Une vision financière « gagnant-gagnant » – les avances ;
- La notion de rétribution – les primes ;
- Adapter ses relations contractuelles – les circonstances imprévisibles et la clause de réexamen.
Les modifications transverses aux 6 CCAG 2021
Les CCAG, largement utilisés par les acheteurs, ont été actualisés à nos enjeux modernes et nos souhaits d’optimisation du contrat. Malgré leur application tout à fait facultative, ces documents nécessitaient un « dépoussiérage » tant en termes de terminologie que de modalités relatives à la performance achat.
L’ensemble de ces ajouts et harmonisations induisent inévitablement un moment d’adaptation du côté de l’acheteur dès lors que ce dernier choisi d’y faire référence. Réelle opportunité juridique et d’optimisation de rédaction du CCAP, il reste tout à fait libre de construire ses contrats sans s’y référer. Toutefois, les services achat auront jusqu’au 30 septembre 2021 au plus tard, afin de mener à bien des chantiers transverses s’ils veulent se conformer aux nouveautés des CCAG, ceci conjointement avec un certain nombre d’autres services parfois absents du quotidien des achats.
L’attractivité de la commande publique pour les PME françaises, un souhait grandissant de Bercy accentué par la crise sanitaire
Au vu du montant estimatif de 200 milliards d’euros que représentent les marchés publics dans le PIB français, difficile pour une entreprise de ne pas imaginer l’opportunité d’un tel partenariat sur le long terme. Les nouveaux CCAG viennent, à travers quelques exemples transverses, s’inscrire totalement dans cette logique d’intégration maximale des PME à ce système majoritairement lucratif. Ces dernières, d’autant plus avec l’incertitude économique du moment, sont désireuses de nouer de nouveaux liens commerciaux, tout en bénéficiant de larges avantages dans l’optique d’équilibrer au maximum les relations contractuelles. A fortiori, les arrêtés du 30 avril 2021 portant approbation des 6 CCAG vont en ce sens, à savoir une réelle prise en considération des contraintes qui peuvent peser sur les acteurs de la commande publique afin d’optimiser au mieux la passation et l’exécution du contrat administratif.
Le manque d’attractivité du secteur public faisait qu’il y a peu de temps, la part des PME titulaires de marchés publics n’était pas supérieure à 30%. Globalement, l’inadaptation des contrats à la réalité du marché fournisseur, les lourdeurs administratives, le manque de spécialisation de certains acheteurs ou encore l’inadéquation des critères de jugement les faisaient fuir ou les empêchaient d’être compétitifs. Or, on remarque, avec les années, qu’un bon nombre de services achats ont pu gagner en maturité, que ce soit en termes d’ingénierie contractuelle (usage de procédures de passation ou techniques d’achat nouvelles), de planification des achats (programmation pour une meilleure définition du besoin et sa mutualisation), etc. Le droit n’en demeure pas moins en constante évolution et ces services doivent à nouveau faire face à certaines améliorations de leurs pratiques.
1er chantier
L’adaptabilité de l’attitude punitive de l’acheteur
La question des pénalités de retard, plafonnées à 10% du montant du marché ou du bon de commande illustre une politique favorable aux opérateurs économiques. Le seuil qui dorénavant exonère leur paiement est fixé à 1 000€, permettant d’encadrer les pénalités disproportionnées et de venir uniquement sanctionner la marge bénéficiaire. Pourtant, la méthode de calcul permettant d’obtenir le montant des pénalités n’est pas généralisée à tous les CCAG. En effet les praticiens devront être attentifs s’ils suivent les CCAG TIC ET FCS dont la formule est de 1/1000e (contrairement aux autres CCAG qui proposent une formule de 1/3000e). De façon plus poussée encore, ces pénalités de retard ne concernent pas toutes les types de pénalités pouvant être insérées au sein des pièces particulières. Ainsi, celles ne relevant pas d’un retard constaté par le titulaire ne sont pas plafonnées par les nouveaux CCAG. L’idée n’étant pas de déstabiliser fortement la relation contractuelle mais plutôt pour l’acheteur de réussir à cibler précisément sur ce qui est primordial dans son marché. Il peut s’agir d’une pénalité pour non-respect des règles de sécurité / recyclage / etc. telles que précisées au CCTP, ou encore de sanctionner le comportement inadapté des agents du titulaire à l’égard des usagers d’un service public. La marge de manœuvre laissée aux personnes publiques pour organiser leurs modalités de calcul des pénalités en fonction des cas d’espèce reste de mise, même si capée dans le CCAP à 10% à la suite de la constatation d’un retard dans l’exécution.
Finalement, dans le but de favoriser le dialogue entre les parties, et pour ne pas davantage pénaliser les entreprises dont les marges tendent à se réduire, les CCAG prévoient que l’acheteur puisse mettre en œuvre une procédure contradictoire avant d’appliquer des pénalités. Ces dernières, qu’elles relèvent d’un retard dans l’exécution des prestations, ou bien si elles portent sur les obligations de développement durable prescrites dans le marché, pourront être discutées entre les parties afin de limiter toute survenance de différends. Il est d’ailleurs clair que les CCAG visent à améliorer les conditions de règlement des différends, en incitant largement le recours à des modes alternatifs de règlement amiable…
2e chantier
L’essor d’une vision financière altruiste du marché à prioriser
Dans leur nouvelle mouture, les CCAG prévoient dorénavant que les PME bénéficient par principe d’une avance, lorsque son versement est obligatoire selon le CCP, égale à minimum 20% du montant initial du marché (option A). Par exception l’option B peut être utilisée par l’acheteur, prévoyant l’application des taux minimums prévus dans le code. Pour les autres entreprises, les taux minimums d’avance devant être appliqués sont ceux du code (5%). Ceux-ci peuvent bien évidemment être adaptés dans les documents particuliers du marché indifféremment du type d’entreprise, en fonction de la politique achat suivie et du type de consultation. Ainsi, en dérogeant aux CCAG, une consultation lancée par l’État pourrait prévoir que pour toutes les PME l’avance versée sera égale à un taux de 50% et 30% pour les autres entreprises, leur permettant favorablement de créer la trésorerie nécessaire au démarrage des prestations.
Ce système d’option entre le choix A ou B est puisé de la clause de propriété intellectuelle de la dernière réforme de 2009 n’ayant été intégré à l’époque qu’au sein des deux CCAG PI et TIC. L’usage généralisé de cette démarche souligne l’importance d’une ingénierie contractuelle adaptée à l’achat réalisé, avec d’avantage de souplesse côté acheteur. Les services achats, généralement submergés par les nombreux dossiers n’ont pas toujours l’occasion de prévoir une stratégie financière de leur contrat au-delà de l’organisation basique du marché (choix de la procédure au vu des seuils européens, durée, modalités d’exécution des prestations). Il y a ici tout intérêt à prévoir un régime d’avances pour le marché tout à fait favorable aux différentes sortes d’entreprises. L’acheteur peut être agréablement surpris face à la qualité des offres reçues qui n’auraient en temps normal pas été transmises en raison de clauses dissuasives parfois généralisées ou par manque de temps. Une relation transparente et optimale doit certainement lier le service financier de celui qui porte l’achat, favorisant une excellente coordination des acteurs face à l’hétérogénéité de chaque contrat et leur « tempo » de paiement (avances, pénalités, acomptes, solde après service fait, etc.).
3e chantier
L’idéologie rétributive dans un contrat administratif
Bénéfique elle aussi à l’ensemble des opérateurs économiques, la pratique encore peu généralisée des primes a été étendue à toutes les typologies de marchés. Dans la pratique, lorsque l’entreprise réalise toute ou partie de la prestation qu’elle avait en charge avant la fin du délai prévu au contrat, cela était rarement valorisé économiquement. Une telle harmonisation s’insère totalement dans une facilitation et une généralisation des bonnes pratiques. L’idée de cette modernisation des CCAG s’inscrit totalement dans une démarche d’amélioration continue des usages parfois rouillés. Nombreux spécialistes du domaine de la commande publique (universitaires, juristes, opérateurs économiques, etc.) ont pu faire part de leurs souhaits afin de rendre l’achat plus accessible et lisible. Une analyse in concreto de chaque besoin doit se ressentir dans l’ensemble des pièces du DCE. Le fait de ne pas plafonner le système de prime est tout à l’honneur du texte, même si seule la pratique nous dira comment les acheteurs décideront de s’en emparer.
4e chantier
L’aménagement des relations contractuelles impactées par toute difficulté d’exécution
Par ailleurs, les nouveaux CCAG intègrent, pour disposer davantage de flexibilité et favoriser des relations partenariales saines, une clause relative aux circonstances imprévisibles. En effet, la crise sanitaire a eu de nombreux impacts en termes de délais de livraison notamment. Dorénavant, les parties au contrat peuvent, sous conditions strictes, décider d’une suspension totale ou partielle du marché, afin d’anticiper les difficultés rendant impossibles la poursuite des prestations. Toutefois, lorsque celles-ci peuvent être poursuivies, les CCAG prévoient la mise en œuvre d’une clause de réexamen pour permettre d’évaluer les impacts économiques ou techniques de circonstances particulières. Cette nouvelle mesure est à mettre en parallèle des sections relatives aux règlements des litiges. Inutile de dire que les contentieux en matière de marchés publics sont nombreux au moment de la passation, induisant de facto une crainte constante et souvent contre-productive des personnes publiques en charge des achats. Les nouveaux CCAG leur procurent une base sur laquelle ils peuvent partiellement se reposer, sans mettre de côté les chantiers qu’ils sont supposés entreprendre dans un souci d’amélioration continue d’une performance achat.
5e chantier
L’encadrement des commandes supplémentaires ou modificatives via ordre de service prônant l’équilibre du contrat
Les nouveaux CCAG encadrent le régime des ordres de services venant prescrire à tout titulaire, des prestations supplémentaires et modificatives. L’échange est de mise, avec un système intelligible proposé par ces textes généraux. Afin de se conformer à l’introduction du principe du juste rémunération de ce type de prestations au sein du code de la commande publique, les acheteurs devront mentionner les prix nouveaux retenus dans l’ordre de service. Ceux-ci restent tout à fait provisoires, car ils sont transmis à titre consultatif au titulaire qui dispose de la faculté de refuser d’exécuter les commandes en l’absence de leur valorisation financière. C’est à travers l’établissement d’avantage de clauses enclines à l’équilibre des relations contractuelles que les opérateurs économiques seront d’avantage incités à candidater à des marchés publics. Dans le cas présent, une fois le titulaire consulté et en l’absence d’observations contraires de sa part dans un délai imparti de 30 jours après notification de l’ordre de service, les prix provisoires décidés par l’acheteur sont utilisés pour le règlement des acomptes.
A contrario, s’il y a désaccord sur les prix provisoires proposés, le titulaire ne dispose que de 15 jours pour justifier à l’acheteur l’absence de valorisation financière constatée dans l’ordre de service commandant ces prestations supplémentaires.
Réel système d’échange et de collaboration qui vient favoriser des relations contractuelles saines, que ce soit en termes de qualité d’exécution de la part du titulaire, mais également de bon sens comptable côté acheteur.
6e chantier
La propriété intellectuelle à l’aune des évolutions et besoins actuels
Pour mieux appréhender le développement de l’achat innovant, la fréquence des prestations intellectuelles ou informatiques et l’impact du numérique dans la plupart des segments d’achat, les nouveaux CCAG (hormis le CCAG-MOE) prévoient d’entrée de jeu une seule et même clause de propriété intellectuelle. De même, ils instaurent un régime simplifié et allégé, certes inspiré de la structure et des dispositions de la clause de propriété intellectuelle des anciens CCAG PI et TIC de 2009. Ce nouveau régime est d’autant plus pertinent puisqu’il renvoie aux besoins opérationnels de l’acheteur et prévoit des réglages par défaut qui ont pour objectif de faciliter la rédaction des documents d’un marché.
Les incertitudes intrinsèques au système d’options A et B, la difficulté des acteurs à distinguer les régimes applicables aux livrables prévus (résultats, connaissances antérieures, logiciels standards) ou l’exclusivité par défaut de l’option B (et son impact financier) ne sont pas restées étrangères à Bercy.
Ainsi, les nouveaux CCAG clarifient les droits d’utilisation, pour l’acheteur et le titulaire, des catégories d’éléments pouvant composer un livrable. Il peut s’agir d’éléments spécialement réalisés pour l’acheteur, dans le cadre d’un marché (résultats), ou d’éléments réalisés dans un contexte externe à tout marché, mais faisant partie de ce qui est livré (connaissances antérieures) et des connaissances antérieures standards (logiciels standards, images de banques d’images, achat d’art, typographie, etc.). De même, les options A et B (relatives aux résultats) prévues dans les CCAG de 2009 sont supprimées au profit d’un seul régime. Celui-ci permet dorénavant à un acheteur de pouvoir utiliser les résultats pour ses besoins exprimés dans le marché ou découlant de l’objet des prestations, sans droit de les commercialiser par défaut. Enfin, la réforme consacre une absence d’exclusivité au profit de l’acheteur qui permet au titulaire de réutiliser les résultats dans d’autres contextes (hormis les cas de certains résultats comme la création de logo, une campagne de communication ou des résultats jugées confidentiels par l’acheteur). Pour favoriser la diffusion de l’innovation, il est désormais possible pour le titulaire de déposer des titres de propriété industrielle sur les inventions et connaissances techniques issues du marché (ex : R&D), avec une licence d’utilisation à l’acheteur, pour ses besoins.
7e chantier
Le renforcement de la protection des données à caractère personnel dans les marchés publics
Les nouveaux CCAG viennent compléter les outils existants et conforter ainsi l’applicabilité du Règlement général sur la protection des données (RGPD) dans les marchés publics. Dorénavant, tout acheteur se trouve dans l’obligation d’indiquer certaines informations dans les pièces particulières du marché (finalités du traitement, obligations de l’acheteur et du titulaire, durée de conservation et sort des données, etc). Il est désormais possible pour un acheteur de prévoir des pénalités en cas de non-respect du RGPD par le titulaire, voire de résilier le marché.
Le gage d’une application optimale de cette thématique réside dans la sensibilisation des acheteurs publics. En effet, il se constate de nos jours que la protection des données à caractère personnel n’est pas le premier sujet de réflexion dans la rédaction d’un marché, par un acheteur.
8e chantier
Le développement durable imbriqué dans tous les CCAG pour d’avantage d’impact
Pour promouvoir un achat encore plus vertueux (ex : État et collectivités territoriales devant privilégier dans leurs achats les biens issus des filières du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage), les nouveaux CCAG intègrent en leur sein les outils nécessaires, pour une attitude publique et privée, au service d’un développement durable encadré. Cela concerne notamment les clauses d’insertion sociale, pour les acheteurs prévoyant cette modalité dans leur consultation et qui n’auront plus qu’à renvoyer au CCAG définissant exhaustivement celle-ci. Il s’agit là, au-delà d’un ajout opportun, d’une réelle facilité pour l’acheteur de renvoyer au CCAG en lien avec l’objet de son marché. Sont donnés à titre indicatif les informations relatives aux acteurs concernés par ces clauses sociales, sans oublier leur contrôle quantitatif et qualitatif pouvant être suivi en cours d’exécution. Sur le même modèle d’intégration au sein de tous les CCAG, les clauses environnementales viennent promouvoir une exécution de marché plus verte et encadrée.
Dès lors, elles imposent à l’acheteur de prévoir par principe des pénalités, après mise en demeure restée infructueuse, en cas de manquement du titulaire à satisfaire ses obligations prévues dans les documents particuliers de la consultation. L’article 14.2 du CCAG FCS n’intègre pas ces pénalités d’objectifs environnementaux et d’insertion sociale. A ce titre l’acheteur devra rester vigilant dans l’usage de ces textes généraux. Le contrôle dit « effectif » doit se baser sur des indicateurs précis et objectifs pour toute obligation de ce type (ex : telles modalités de réduction des impacts sur la biodiversité, de tri des déchets et de leur gestion, de transport ou de conditionnement pour telles fournitures).
9e chantier
Points d’alerte finaux des CCAG avec un focus pour les marchés de FCS
Finalement, pour illustrer le souhait des rédacteurs à limiter les lourdeurs administratives, les CCAG ne prévoient pas que les bons de commandes ou les ordres de services soient signés pour être valables. Pour une prolongation du délai d’exécution, il est également prévu à l’article 13.3 du CCAG FCS que l’acheteur puisse user de cette faculté en cas de force majeur même si par habitude il est préférable de tout simplement résilier le marché. A contrario, l’acheteur devra faire preuve de vigilance lors de la rédaction de ces documents dès lors que l’achat concerne des fournitures. L’article 5.4 du CCAG FCS faisant référence à l’information à destination des sous-traitants, doit être expressément dérogé dans le CCAP. Il en va de même pour l’article 12.2 du CCAG FCS. Effectivement la sous-traitance est par principe formellement interdite en matière de fournitures qui ne comportent pas des services ou des travaux à titre accessoire.
Enfin, les clauses relatives au prix du marché ont évolué puisque rédigées sous une autre forme nécessitant une attention toute particulière de l’acheteur. Ce dernier, s’il souhaite éviter toute difficulté de calcul et d’interprétation des textes en cours d’exécution, devra être le plus précis possible dans la rédaction de sa clause actant la date établissant le prix final.
Jordy Panza Ndolete, Consultant et assistant DPO
Alexis Guillaumot, Consultant achat public